71 ans après le 1er Novembre : Quand la liberté se construit en startups

Les valeurs du 1er Novembre se réinventent sous une forme nouvelle à Oran : celle de l’entrepreneuriat. Dans les espaces de coworking, les cafés connectés et les universités, des jeunes créateurs d’entreprises brandissent aujourd’hui leur clavier comme symbole d’indépendance. Leur objectif n’est plus seulement de réussir, mais de bâtir une économie nationale fière et moderne, fidèle à l’esprit des aînés.
Dans un open space lumineux du Centre-ville, le drapeau national est accroché juste au-dessus des postes de travail. Ici, au TechSpace Oran, incubateur soutenu par le Centre national d’innovation et d’entrepreneuriat (CNINE), Nassim, 28 ans, a fondé sa start-up DzCodeLab, une société spécialisée dans la transformation numérique des petits commerces. « Mon grand-père était moudjahid. Il se battait pour l’indépendance politique. Moi, je me bats pour l’indépendance économique », confie-t-il, concentré sur l’écran où s’affiche le site d’un artisan de M’dina J’dida qu’il vient de digitaliser.
Depuis trois ans, Oran s’impose comme l’un des pôles régionaux les plus dynamiques de l’écosystème startup algérien. D’après les chiffres du ministère de l’Économie de la connaissance et des Startups, la wilaya compte près de 170 startups labellisées en 2025, contre à peine 40 en 2021.
Les secteurs les plus actifs sont la fintech, l’agrotech, la logistique urbaine et les énergies renouvelables. Le hub « Oran Innov », installé à Sénia, accueille à lui seul plus de 70 jeunes porteurs de projets, souvent soutenus par des fonds nationaux comme Algeria Venture ou le Fonds national des startups.
Parmi eux, Fella, 25 ans, ingénieure en électronique formée à l’université Oran 1, a conçu une station solaire portable fabriquée à partir de matériaux recyclés. Son prototype, baptisé SolDz, alimente déjà des stands de plage et des petits commerces ambulants à Aïn El Turck. « L’énergie libre pour un pays libre, c’est plus qu’un slogan. C’est ma manière d’honorer le 1er Novembre », dit-elle, en ajustant ses panneaux sous le soleil d’Oran.
Dans les cafés connectés de Miramar, de jeunes développeurs testent leurs premières applications tandis que des étudiants en design conçoivent les identités visuelles de marques 100% locales. Beaucoup d’entre eux financent leurs prototypes via le crowdfunding sur la plateforme algérienne BaridiCrowd, ou grâce à des appels à projets internationaux comme Horizon Maghreb 2025, piloté par l’Union européenne.
Selon Algeria Venture, plus de 22.000 emplois directs et indirects ont été créés par les startups algériennes depuis 2020, dont environ 2.000 à Oran et dans sa région. « L’écosystème oranais grandit chaque année, soutenu par la diaspora et par une vision nationale claire », résume Yacine Bensalem, responsable du pôle innovation au ministère. « Ces jeunes ne fuient plus le pays, ils le construisent. »
Le 1er Novembre 1954 fut un cri de liberté. Soixante et onze ans plus tard, c’est un élan de création. A Oran, les armes ont cédé la place aux algorithmes et aux panneaux solaires, mais l’esprit demeure : celui d’une jeunesse qui croit encore que l’Algérie peut tracer son propre chemin. Une indépendance nouvelle, faite non plus de combats, mais d’idées.
O.A Nadir
