Lutte contre les cryptomonnaies : L’Algérie forme ses enquêteurs

Un atelier de formation consacré aux cryptomonnaies, organisé par le ministère de la Justice en coopération avec l’ambassade des États-Unis, a débuté dimanche à Alger à l’attention de magistrats, officiers de la Police judiciaire et analystes financiers de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) et de la Banque d’Algérie. Les travaux — qui se poursuivront jusqu’à jeudi — visent à renforcer les capacités nationales en matière de détection et d’analyse des flux en devises numériques, dans un contexte juridique particulièrement
contraignant.

Dans son allocution d’ouverture, le secrétaire général du ministère de la Justice, Mohamed Regaz, a salué « la coopération fructueuse » avec Washington et expliqué que la thématique traduit « la volonté commune des deux pays d’être en phase avec les défis contemporains », notamment la lutte contre les crimes financiers transfrontaliers.
L’ambassadrice des États-Unis en Algérie, Elizabeth Moore Aubin, a rappelé, pour sa part, que les cryptomonnaies représentent « un défi majeur » et constituent aujourd’hui « un outil clé du blanchiment d’argent servant au financement du terrorisme », d’où l’importance d’une coopération judiciaire renforcée.
Pour rappel, la législation algérienne interdit l’usage de la cryptommonaie. La loi 25-10 parue au Journal officiel n°48 du 24 juillet 2025, a instauré une interdiction générale des activités liées aux actifs numériques. Le nouvel article 6 bis punit désormais, entre autres, l’émission, l’achat, la vente, la détention, l’usage comme moyen de paiement ou d’investissement, la promotion et l’exploitation de plateformes d’échange ou de portefeuilles numériques sur le territoire national. L’article 31 bis assortit ces interdictions d’un régime pénal : peines de 2 mois à 1 an de prison et amendes de 200 000 à 1 000 000 DA, voire les deux.
Malgré cette interdiction formelle, les autorités expliquent la nécessité d’armer techniquement magistrats, enquêteurs et analystes : « maîtriser les techniques de traçage et d’analyse des transactions en cryptomonnaies » permet de détecter et poursuivre les détournements de ces outils à des fins criminelles, contrer les circuits illicites et sécuriser l’économie nationale, a rappelé Mohamed Regaz.
Le SG du ministère a également rappelé l’effort d’adaptation du droit algérien aux standards du Groupe d’action financière (GAFI) : la révision récente de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme intègre des dispositions visant à répondre aux 40 recommandations du GAFI, et plus particulièrement à la recommandation n°15 relative aux actifs virtuels.
L’atelier, encadré techniquement par le Programme ICITAP (département de la Justice des États-Unis), complète ainsi les actions déjà engagées — notamment une session organisée en juillet sur le renseignement d’origine sources ouvertes — en fournissant aux acteurs judiciaires et financiers des outils opérationnels pour traiter des dossiers impliquant des devises numériques, y compris lorsque celles-ci sont utilisées à l’étranger ou via des plateformes étrangères.
Au programme figurent des modules pratiques sur la collecte de preuves numériques, l’identification des portefeuilles et des adresses blockchain, l’analyse des flux financiers en crypto-actifs et les procédures d’entraide judiciaire internationale. Les organisateurs insistent sur l’articulation entre interdiction nationale et nécessité d’une réponse opérationnelle : « interdire ne suffit pas si les services ne savent pas repérer et remonter les circuits qui contournent la loi », a résumé un participant.
G. Salima

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