Surface agricole utile: Une diminution inquiétante

Pour l’expert en agriculture et ancien cadre du ministère de l’Agriculture, Mustapha Bennaoui, la relance du secteur passe impérativement par une gestion rationnelle et scientifique de la Superficie Agricole Utile (SAU), dont la stagnation — voire la régression — constitue aujourd’hui l’un des freins majeurs à la sécurité alimentaire
du pays.
Présent, hier matin, à l’émission L’invité du jour sur la chaîne 3 de la Radio nationale, M. Bennaoui a souligné que « l’apport du nouveau ministre de l’Agriculture peut être décisif s’il engage une politique orientée vers la numérisation des activités agricoles, permettant l’optimisation des rendements à l’hectare et la transition vers une agriculture intelligente et de précision ». Une orientation, estime-t-il, qui doit s’inscrire dans une vision durable centrée sur la valorisation et la protection de la SAU.
L’expert a mis en garde contre les ruptures répétées dans les politiques agricoles, plaidant pour une continuité scientifique et technique à même d’assurer la stabilité du secteur. « Nous avons besoin d’un effort coordonné, d’une complémentarité entre générations d’agronomes et de techniciens, et non d’un conflit de méthodes », a-t-il insisté.
En dressant un état des lieux, M. Bennaoui a rappelé que la Surface Agricole Totale (SAT) de l’Algérie s’élève à 45 millions d’hectares, mais que la SAU n’en représente qu’à peine 8,5 millions, un chiffre jugé insuffisant au regard du potentiel national. À cela s’ajoutent 4,5 millions d’hectares de forêts et près de 33 millions d’hectares de parcours naturels appartenant aux zones steppiques.
Cette répartition, a-t-il noté, révèle un déséquilibre profond entre le potentiel foncier global et la portion réellement exploitée. « La SAU n’a cessé de régresser sous l’effet combiné de la pression démographique, de la consommation anarchique du foncier agricole et de l’urbanisation galopante sur les terres à haut rendement », a déploré l’expert.
Les chiffres sont parlants : dans les années 1970, la SAU par habitant atteignait 1,6 hectare, alors qu’elle ne dépasse pas aujourd’hui 0,6 hectare. Cette contraction rapide, selon lui, met en péril les équilibres agricoles et limite les marges d’autosuffisance.
Autre constat préoccupant : 87 % de la population algérienne se concentre sur à peine 13 % du territoire national, essentiellement sur les plaines côtières, là même où se situe la majorité des terres les plus fertiles. Cette concentration urbaine sur la SAU accentue la pression sur les ressources agricoles et accélère la disparition des espaces cultivables.
Pour M. Bennaoui, la préservation et l’extension de la SAU doivent devenir une priorité nationale. Il appelle à une stratégie intégrée combinant cartographie numérique des sols, planification territoriale, irrigation raisonnée et revalorisation des terres en friche, afin de restaurer les équilibres agricoles et garantir durablement la sécurité alimentaire.
T. Feriel